
Bon, pas la peine de barguigner, la poésie se passe allègrement d'illustration. Le poème lui-même est fait d'images, pourquoi en convoquerait-il d'autres qui, sous couvert de le servir, ne feraient que l'asservir et finalement l'enfermer ? Mieux, la poésie n'est-elle pas à elle-même sa propre illustration, au moins depuis Mallarmé et son
coup de dés ?
N'est-ce pas par sa seule mise en page, c'est-à-dire par la façon dont il se déploie dans la page, que le poème apparaît le mieux ? Quelle place reste-t-il alors pour l'illustration dans ce dialogue entre l'ombre et la lumière ? Certainement pas celle d'un quelconque commentaire, dont on mesure d'emblée l'importune grossièreté. Non. Si elle doit absolument en avoir une, il lui faut l'inventer dans une forme de rencontre. Une rencontre avec la page imprimée, qui, dans ce cas, ne peut être conçue comme un simple support dont l'illustrateur profiterait des blancs. L'illustration n'est pas un tableau, mis en exergue et retranché dans son cadre. Elle doit se constituer en interlocuteur valable dans une conversation à trois, à laquelle elle apporte un vocabulaire spécifique et non redondant. Plus simplement, en abordant la poésie, l'illustration doit savoir abdiquer son statut d'image pour se mettre à son tour et tout entière au service de la mise en page. Je ne conçois donc mes dessins que comme un matériau destiné à entrer dans une composition d'ensemble. Ce que vous voyez ci-contre n'est donc certainement pas tout à fait ce que vous verrez dans le livre. C'est une proposition ou, pour mieux dire, une ouverture, qui ne demande qu'à être malmenée, manipulée, transformée et, finalement, intégrée.
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